
Cathédrale Saint-Bénigne de Dijon, Jeudi 20 octobre 2022
Homélie du Père Jacques Delaborde sur l’Evangile du Lavement des pieds (Jn 13, 1-15)
Avec Xavier Courtois et Claude Gury, nous avons préparé cette célébration pour toi, Pierre, et en pensant à toi.
Tu as fait ta première communion en 1937, à Marrakech (Maroc). Pour un bourguignon pur jus, c’est déjà une originalité. Un enfant, qui découvre l’Afrique avant la guerre de 1940, restera nécessairement ouvert sur le vaste monde. Pour toi, ce sera la guerre d’Algérie, et, plus tard, l’univers de la langue portugaise et de l’Amérique latine.
L’Afrique, toujours : ton papa, médecin militaire, est mort du typhus en 1938, contracté en soignant les Berbères de l’Atlas. Tu ne t’en es jamais vraiment remis.
Parmi nous, tu as su être généreux, ouvert à l’amitié, très sensible, parfois excessif mais toujours avec une réelle générosité. Tu as vécu le Concile, nourri par tes découvertes de l’Action Catholique, et ton travail avec le P. Henri Latour et les équipes de Saint-Pierre.
Cher Pierre, tu nous précèdes dans la lumière de Dieu, reste aussi proche de nous.
Et voici maintenant une courte homélie sur ce passage de Saint Jean, que nous venons d’entendre. Merci à Xavier Courtois, avec qui nous l’avons préparé, de ses notes et de son témoignage.
Ce qui est très intéressant dans la Bible, et aussi, particulièrement, dans l’Evangile de Jean, c’est l’importance des récits, des histoires (j’allais dire des petites histoires) qui prennent du poids, du sens, et sont plus accessibles pour nous que de grandes élaborations cérébrales …le lavement des pieds !
Nous sommes dans les instants les plus graves de la vie de Jésus. La mort rôde, la trahison est proche, chacun redoute le danger, Judas a dépassé le stade répugnant de son commerce sordide.
Que fait Jésus ? Il enlève sa tunique, décroche du mur un linge qui sert au service, le noue autour de ses reins, s’agenouille, par terre, devant chacun des compagnons, comme « l’homme de service », celui que, dans les banquets, on ne remarque pas, et qui, une fois tout le monde parti, ramasse les épluchures, et passe la serpillère sur le sol jonché de détritus…
… Le Fils de Dieu, « créateur du ciel et de la terre », le voici plus près de la Terre que du Ciel…
… non plus le Très-Haut mais le Très-Bas, plus bas même que les disciples.
Il leur nettoie les pieds, et la plante des pieds, à eux qui ont beaucoup marché avec lui. Il les rafraîchit pour les remercier de l’avoir accompagné sur les chemins de Galilée, sur les cailloux brûlants des sentiers de Judée, par tous les temps, sur toutes les routes, et les ruelles sombres des villages perdus, sur les pavés lisses du Temple.
Il les remercie de lui avoir fait confiance. Avec respect, avec tendresse, il s’occupe de chacun. Les « gestes de soins » que font chaque jour, dans nos modernes hôpitaux, les aides-soignants et aides-soignantes, qui, soir et matin, changent les draps souillés, passent et repassent la serpillère.
Jésus nettoie les pieds, même ceux de ce malheureux Judas, qui est en train de préparer son coup tordu, et de calculer combien lui rapportera sa minable trahison.
Pierre a du mal à entrer dans ce jeu-là. Il rêve encore d’un Seigneur tout-puissant qui survole le monde. Jésus insiste lourdement… Pierre en rajoute : « Pas seulement les pieds, mais la tête ». Ça va, dit Jésus, « les pieds ». Puis : « comprenez-vous ? »
Les pieds, notre contact avec la terre, notre moyen d’avancer, d’aller vers l’autre à la rencontre de chacun, à l’écoute de nos pesanteurs, un jour après l’autre, un pas après l’autre, malgré les chevilles qui font mal, et les ampoules sournoises.
Cher Pierre, tu peux maintenant accompagner nos pas, souvent lourds et hésitants, vers le chemin de lumière et de service qui a orienté ta vie,… pas après pas. Amen.